« J’aimerais formuler deux souhaits : qu’il y ait une participation active tout au long de votre séjour et que tous et chacun s’approprient le programme. » C’est en ces termes que le Dr. Michaéle Amédée Gédéon, présidente de la Croix-Rouge Haïtienne, accueillait les participants à la « Réunion du consortium et des partenaires du programme de soutien psychosocial» qui s’est tenu au siège de la société nationale à Port-au-Prince du 3 au 6 septembre dernier.
Deux ans après le lancement du programme, la Croix-Rouge Haïtienne jugeait important de faire le point sur les résultats à ce jour afin de construire sur les leçons apprises et les recommandations des ses partenaires. Impulsé par le déploiement des équipes de réponse aux urgences (ERU) du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce programme conduit par la Croix-Rouge Haïtienne est soutenu par un consortium formé par le CICR, la FICR, les sociétés de la Croix-Rouge islandaise, italienne et norvégienne, auquel s’ajoute le soutien financier des sociétés de la Croix-Rouge danoise, suédoise et britannique.
L’objectif principal du programme de soutien psychosocial de la Croix-Rouge Haïtienne est de promouvoir la résilience, le bien-être émotionnel et la cohésion sociale de la communauté haïtienne. La Croix-Rouge a raison d’être fière des résultats : plus de 200 volontaires ont été formés et 500 autres ont été sensibilisés à l’approche psychosociale sur l’ensemble du territoire haïtien. Depuis 2010, grâce à leur dévouement, plus de 300,000 Haïtiens en situation de détresse ont reçu un soutien approprié, qu’ils soient réfugiés dans les camps de déplacés de Port-au-Prince, habitant de quartiers populaires paupérisés, orphelins ou enfants isolés dans les centres d’accueil, malades dans les hôpitaux et les centres de traitement du choléra ou encore victimes de tempête, glissement de terrain ou d’inondation.
Les participants à la rencontre ont eu l’occasion non seulement de passer en revue les différents outils techniques d’intervention communautaire, tels les premiers secours psychologiques, la bibliothèque mobile, les cours d’alphabétisation, le manuel ‘résilience timoun’ et les ateliers guidés pour adolescents, mais également de constater de visu le travail de ces courageux volontaires.
Un exemple parmi tant d’autres : Assis sur le sol à Carrefour Feuilles dans l’une des tentes offertes par l’UNICEF, les enfants écoutent l’histoire que leur raconte l’une des volontaires psychosociale de la Croix-Rouge Haïtienne qui utilise le livre comme outil d’intervention. Ils ont entre sept et neuf ans et chacun a son histoire. Yvon Jean Philippe, l’un des volontaires, explique : « Les livres d’histoires, le dessin et le bricolage ne sont que quelques uns des outils utilisés par les volontaires. » Pour Yvon Jean les enfants d’Haïti sont une source d’inspiration.
Jérome Grimaud, délégué chargé du soutien psychosocial pour la Fédération internationale en Haïti depuis plus de deux ans, est bien placé pour parler du travail des volontaires. « Les volontaires de la Croix-Rouge sont totalement bénévoles. Seuls leur frais de transport sont remboursés. Être bénévole dans la société haïtienne actuelle n'est pas facile car la situation socio-économique est très précaire. » Pourtant les volontaires se disent très attachés au programme et avouent apprendre beaucoup des formations et de cette expérience qui leur servira pour l'avenir, autant au sein de la Croix-Rouge que dans leur avenir professionnel. Surtout, ils ont le sentiment de répondre à un besoin essentiel mais souvent négligé dans la société haïtienne, le besoin d'être soutenu sur le plan émotionnel et de retisser des liens sociaux parfois distendus. « L'accueil et les remerciements qu'ils reçoivent des enfants et des adultes le confirme tous les jours et nourrit leur motivation à continuer leurs activités auprès de la communauté, » conclut Jérôme Grimaud.
Lors de la dernière journée de la rencontre, la parole a été donnée aux volontaires. Dans un témoignage très émouvant, Minouche Thelusmond a partagé ses petites victoires et son amour pour ce travail qu’elle fait avec passion depuis deux ans. « Ce que nous aimons, c’est que nous avons le sentiment d’être utile. Même si ce n’est pas toujours facile, surtout dans les camps où la violence est omniprésente. » Minouche Thelusmond nous raconte un de ces moments qu’elle ne peut oublier. « Il y avait cette personne qui était handicapée et qui était très troublée psychologiquement. J’allais la voir souvent mais il se fermait comme une huitre à chaque fois, je ne pouvais pas l’approcher. Jusqu’au jour où à force de patience, il a réussi à s’ouvrir. Nous avons commencé à parler et aujourd’hui il va bien. Il me téléphone souvent pour me remercier. C’est pour ça que j’aime ce que je fais. »
Alexandre Claudon de Vernisy, représentant pays de la Fédération internationale n’a pas besoin d’être convaincu de l’importance de ce programme et il l’a clairement indiqué lors de son allocution de bienvenue. S’adressant à la Présidente de la Croix-Rouge Haïtienne : « Madame la Présidente, j’appuie votre approche à 200% et je m’engage à fournir un appui financier pour le soutien administratif au programme de soutien psychosocial. » Alexandre Claudon a également mentionné que lors d’un échange avec les autorités au lendemain de la tempête tropicale Isaac, ces derniers avaient insisté pour que soient déployés les volontaires pour fournir une aide psychosociale. Il a également insisté sur le fait que le futur de ce programme devait se faire en partenariat avec la société civile, incluant les universités et les écoles.
Nana Wiedemann, Directrice du Centre de référence en soutien psychosocial de la Fédération internationale à Copenhague au Danemark, est heureuse des résultats. « Nous jetons pour la première fois un regard en profondeur sur ce programme. Je crois qu’il sera un exemple à suivre par d’autres sociétés nationales. Il intègre plusieurs éléments PSP tout en étant très innovateur.» À son retour au Danemark, Nana Wiedemann a l’intention de faire un suivi et de partager avec d’autres sociétés nationales le modèle développé en Haïti, tel que le catalogue des meilleures pratiques. « Cette rencontre n’a pas seulement permis de partager et de faire des recommandations; elle a resserré notre lien avec la Croix-Rouge Haïtienne. »
La rencontre a été l’occasion de faire un premier bilan de l’évolution du programme psychosocial au cours des deux premières années et de formuler des recommandations pour son développement futur. Dr. Myrtha Louissaint, chef du département de santé et d’action sociale de la Croix-Rouge Haïtienne partage les impressions de Nana Wiedemann, insistant sur le fait que le succès du programme ne doit pas cacher les défis auxquels il est confronté, notamment la nécessité de renforcer son équipe technique et managérial, à l’heure où le programme prend une nouvelle ampleur. « Nous clôturons cette rencontre avec un engagement clair de la part de nos partenaires. Ils se sont engagés à continuer leur appui financier et technique. Nous travaillerons de concert avec le Centre de référence de la Fédération à Copenhague pour développer encore de nouveaux outils.»